Les verriers biotois recréent la première œuvre en verre générée à partir d’un algorithme d’intelligence artificielle

Faire réaliser une œuvre d’art en verre par un collectif d’artistes à partir d’un algorithme alimenté par ces mêmes artistes, tel est le pari original lancé par la Ville de Biot qu’ont tenté de relever les maîtres-verriers de Biot en collaboration avec deux partenaires français à la pointe de l’innovation, Obvious et Vizua.

Cette première œuvre expérimentale en verre réalisée par un logarithme a permis d’explorer le potentiel créatif de l’intelligence artificielle. Outre ses qualités techniques et artistiques, elle a fédéré les verriers biotois autour d’un projet commun et créé un pont entre la cité des verriers et la technopole Sophia Antipolis, creuset des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle.

Le projet « Art et IA » a germé au début de l’automne 2021 lorsque le Département des Alpes-Maritimes a lancé un appel à projet dans le cadre de la première édition du Word Artificial Intelligence Cannes Festival, qui aura lieu du 14 au 16 avril 2022. Il s’agit du premier salon professionnel d’envergure internationale dédié à l’Intelligence Artificielle.

Labellisée « Ville et Métiers d’Art » depuis 1997 pour le métier du verre, la Ville de Biot propose alors aux verriers de participer à ce premier rendez-vous mondial de l’intelligence artificielle, en présentant une œuvre commune co-créée par les verriers biotois et un algorithme d’intelligence artificielle développé spécialement par la société Obvious.

Ce projet est ambitieux à plus d’un titre car il permet de relier Biot, capitale azuréenne de la verrerie artisanale, célèbre pour sa tradition du verre et le savoir-faire de ses artisans d’art, à la technopole Sophia Antipolis, première technopole d’Europe et haute terre d’innovation, dont près d’un tiers du territoire se situe sur la commune. Tel un pont jeté entre la tradition et la modernité, ce projet expérimental incarne l’identité biotoise d’aujourd’hui, fière de ses traditions et le regard tourné vers l’avenir.

Ce projet unique a été co-financé par la Ville de Biot, la CASA (Communauté d’Agglomération Sophia-Antipolis) et le Département des Alpes-Maritimes.

L’œuvre créée a été dévoilée à Cannes le 14 avril et présentée sur le stand du département des Alpes-Maritimes.

 

Déroulement de l’expérimentation

C’est la société Obvious, collectif qui travaille autour de l’intelligence artificielle et de l’art, qui a été retenue pour mener la première partie de cette expérimentation.

À la demande d’Obvious, les verriers biotois ont fourni plus d’un millier de photographies de leurs créations, mêlant ainsi les différentes époques, tendances et techniques. Celles-ci ont ensuite été compilées et analysées avant d’être intégrées dans un algorithme pour qu’il fasse une synthèse et génère l’œuvre finale en 2D, c’est-à-dire une représentation à plat, sans profondeur. L’algorithme ne fonctionne en effet qu’en 2D.

Les verriers biotois ont donc dû réinterpréter cette image 2D en une œuvre modélisée avec du volume et de la profondeur.

 

Une œuvre collective d’une impressionnante technicité

Cette expérimentation menée entre les verriers et Obvious a donné lieu à un véritable challenge.

Tout d’abord un challenge en termes de délai. Cette œuvre a été générée en un laps de temps très court : seulement quelques semaines se sont écoulées entre la collecte des photographies pour alimenter l’algorithme et sa réinterprétation par les verriers.

 

L’une des étapes clefs a ensuite été l’interprétation que les maîtres verriers ont fait de cette image 2D générée par l’algorithme à partir de la synthèse de milliers de photographies d’œuvres en verre pour parvenir à créer une œuvre collective en 3D.

Fait rarissime, les verriers biotois se sont tous mis d’accord sur l’interprétation à donner afin de pouvoir donner naissance à une œuvre collective commune.

« Nous avons gardé l’essentiel de l’image 2D : le maillage bleu, la forme ovoïde, les jeux de transparence, explique Nicolas Laty, maître-verrier, ancien disciple de Jean-Claude Novaro, mais nous nous sommes tous accordés sur le fait de la rendre plus contemporaine ».

Néanmoins, la réalisation de cette œuvre qui présente des niveaux de profondeur de champs différents et des jeux de transparence a nécessité un véritable savoir-faire technique.

Pour conserver son allure élancée, il a fallu opter pour une forme plus allongée et aérienne.

La pièce soufflée est donc très lourde et volumineuse : elle pèse 28 kg et mesure 80 cm de hauteur.

Les verriers ont également choisi de lui donner une finition mate. Elle est donc difficile à manipuler de par sa finition, son poids et sa taille. Le droit à l’erreur n’était pas possible, car une seule mauvaise manipulation pouvait entraîner des marques disgracieuses.

 

Pour rappeler l’histoire de Biot, les marqueurs identitaires de la cité des verriers ont été conservés :

  • La technique du verre bullé, emblème de Biot créé en 1956 et qui marque un tournant dans l’histoire du verre, a été employée ;
  • La signature qui associe les « maîtres-verriers de Biot » avec l’algorithme d’Obvious a été gravée par sablage.
  • Clin d’œil à une invention de Jean-Claude Novaro, grand-maître verrier biotois : des pigments fluo luminescents qui absorbent les ondes des UV et réémettent cette énergie sous la forme d’une couleur fluo ont été incorporés et permettent à l’œuvre de changer de couleur.

 

Au centre de la pièce, le cœur en verre bullé permet de faire la synthèse entre les verriers d’hier et d’aujourd’hui et de rappeler le lien entre la tradition et l’innovation qui caractérisent Biot.

 

Les maîtres verriers ont ainsi réalisé de façon collective une pièce aussi intéressante et impressionnante dans les ateliers du village.

 

Le résultat : Une œuvre finale qui revisite l’image 2D générée par l’algorithme

Le passage d’une image 2D en une pièce 3D a été possible grâce au dialogue entre les artistes verriers et l’algorithme.

Le verre est une matière extrêmement particulière et très difficile à appréhender dans la création à l’aide d’algorithmes qui n’ont pas la capacité de comprendre le comportement de la matière. C’est pourquoi cette création est une étroite collaboration entre la créativité algorithmique et le savoir-faire humain.

Elle porte la marque de l’innovation et du savoir-faire traditionnel propre aux artistes.

Néanmoins, sans le savoir-faire des verriers, qui ont réussi à exploiter l’œuvre en 2D, celle-ci n’aurait jamais pu voir le jour.

Les utilisations possibles

Cette œuvre expérimentale est la première œuvre en verre générée par un algorithme d’intelligence artificielle en collaboration avec des artisans verriers.

C’est la première fois que le verre est utilisé en intelligence artificielle à des fins artistiques.

S’il existe une différence entre l’image 2D et l’œuvre finale réinterprétée par les verriers, cette expérience a permis d’instaurer un dialogue entre l’Intelligence Artificielle et les verriers, et de marier avec succès deux univers : l’art et la verrerie.

L’un des enjeux sera désormais de perfectionner cet algorithme pour qu’il puisse non pas remplacer l’artiste, mais devenir un acteur supplémentaire dans la créativité.

L’autre enjeu sera aussi de permettre à des verriers basés dans différents endroits du monde de cotravailler ensemble sur un même projet sans jamais se rencontrer.

C’est là où Vizua 3D entre en jeu : en créant un musée 3D verse, un musée à réalité augmentée, ce second acteur mettra en scène l’œuvre avec d’autres œuvres de verriers, favorisant cette notion de coworking à l’échelle mondiale. On pourra ainsi voir l’œuvre, mais aussi voir comment elle a été fabriquée, comment les verriers ont travaillé, et ce, en 3 dimensions, sous tous les angles.

Après son passage au Word Artificial Intelligence Cannes Festival, l’œuvre sera exposée à la Maison de l’Intelligence Artificielle au cœur de la technopole Sophia Antipolis. Elle rejoindra ensuite la future Maison du Verre de Biot.

 

 

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