François Torrelli est le plus ancien habitant des Soulières, il y vit depuis 1943.
Le feu a démarré vers 11h du côté de Sophia. Vu la force du vent qui venait du sud, on savait que ça arriverait jusqu’à chez nous. Je savais que notre terrain, plein sud et en pente étaient très exposé, le feu s’engouffrait dans le Vallon en dessous de la maison qui faisait comme un couloir. On a tout fermé et arrosé un maximum chez nous et chez les parents de François qui vivaient à côté. Lui a eu le réflexe de s’habiller un maximum avec des bottes pour se protéger des flammes.
A l’époque, on était peu dans le quartier. On a mis notre fille à l’abri chez Hélène Legall (aujourd’hui Chagneau) qui est allée se réfugier chez Mr Blanc avec d’autres voisins. Autour de nous, il y avait beaucoup de fumée qui nous faisait suffoquer. Il y avait des pommes de pin qui mettaient le feu partout. On était dans l’action, on avait la force qui se décuplait pour combattre le feu. Quand il est arrivé, il est passé très vite, en quinze minutes, mais cela a paru une éternité, on s’est réfugié dans la maison. Cela a fait un bruit assourdissant. Les volets de la maison des parents de François brulaient, par chance, il y avait des extincteurs qui lui ont permis de les éteindre. On a sauvé le garage qui commençait à prendre feu et la traction. Un ouvrier marocain qui travaillait chez nous a sauvé nos animaux, un âne et un mouton. C’est grâce à lui que les oliviers ont résisté, à l’aide d’une boite de conserve remplie d’eau. Heureusement, on avait brûlé quelques temps auparavant le foin coupé pour les animaux et le terrain était propre. Cela a limité la propagation des flammes.
Plus tard, des amis de Saint-Jean-Cap-Ferrat nous raconteront qu’ils voyaient les cendres tombaient chez eux, pour vous dire la violence du feu. Ici, on était complètement seuls, aucune aide ne nous a été apportée, aucun pompier ou gendarme n’est venu nous évacuer, on était très en colère. Je suis d’ailleurs allée le dire le lendemain au capitaine des pompiers. Quand le feu est passé et qu’on est tous rentrés chez nous, il y avait des cendres de partout, pourtant les volets et fenêtres étaient fermés mais cela s’était engouffré quand même ! Des IPN dans le garage, des poutres en fer, avaient fondu. Le paysage était lunaire sauf un curieux bouquet de pins noirs qui n’avait pas brûlé. On s’enfonçait dans le sol jonché de cendres et les galets étaient blancs, polis par les flammes. On a perdu notre petit couple de canard qui a brûlé mais par miracle c’est tout. Le soir, on s’est relayés toute la nuit pour surveiller le moindre départ d’incendie, on était épuisés et horrifiés par les événements.
Aujourd’hui, quand il y a beaucoup de chaleur, on est en alerte, il y a des arroseurs sur notre maison et des canons à eau. On a installé une moto pompe professionnelle qui fonctionne sans électricité ce qui a permis de faire passer notre terrain de zone rouge en zone bleue.